La Trinité mutilée

Notre village a des secrets bien gardés que le temps a fait disparaitre ou a laissés dans l’oubli. Nous allons cependant en faire ressurgir… Récemment des décors du XVIIe siècle ont réapparu sous les couches de peinture des murs et voûtes de l’église. Mieux encore, nous venons de retrouver une statue d’environ un mètre de haut qui a disparu de l’église à la Révolution, une sculpture en bois évoquant La Sainte-Trinité.

Une œuvre d’art exceptionnelle

Le sculpteur a taillé dans la masse un personnage assis, Dieu le Père, avec une colombe qui représente le St-Esprit au-dessus d’une croix où se trouve le fils, le Christ crucifié. Tous ces symboles sont réunis dans la même pièce de bois.

« Se référant à l’Évangile de Matthieu, saint Augustin, dans son De Trinitate, rapporte la doctrine selon laquelle Dieu n’a qu’une nature mais est constitué néanmoins de trois personnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. Au Haut Moyen-Age, l’Église refuse de représenter sous un aspect réaliste la Première Personne de la Trinité. Par conséquent ce thème est longtemps absent de l’art religieux. Ce n’est qu’au XIIe siècle, et plus fréquemment à partir de la Renaissance, qu’apparaît une représentation figurée de la Trinité. Coiffé d’une tiare et revêtu d’un manteau rouge, Dieu le Père se présente sous les traits d’un vieillard patriarcal, doté d’une longue barbe. Il est assis, derrière et légèrement au-dessus du Christ en croix, tenant chaque extrémité du patibulum (partie transversale de la croix destinée au crucifiement.) entre ses mains. La colombe, au-dessus de la tête du Christ, évoque quant à elle le Saint-Esprit. »
(extrait d’une notice d’Isabelle Maurel, responsable du musée d’Etampes, www.corpusetampois.com)

Quand l’art, la religion et l’histoire se confrontent…

Vous pouvez retrouver toutes ces traces sur la photographie de La Trinité mutilée et ses détails d’origine qui apparaissent sur le médaillon : on voit très bien les deux bras sciés, l’attachement de la colombe dans la barbe, le bois horizontal de la croix a disparu ainsi que l’attachement du crucifié au bois vertical.
À la Révolution, tous ces symboles devaient disparaitre. On peut même se demander comment se fait-il que le Père ait survécu… peut-être le signe que son éternité ne sera jamais effacée ?

Comment cette statue est-elle encore parmi nous ?

Un menuisier l’avait cachée sous le toit de son atelier, c’est peut-être même ses outils qui ont servi pour la mutilation. Elle y est restée durant près de deux siècles, au cours desquels le menuisier a vendu son affaire. L’atelier a changé de propriétaire mais est resté dans un circuit d’héritage familial. Ce « Père Eternel » bénéficie toujours de cette hospitalité, même s’il rêve peut-être de retrouver sa place dans son église piraillonne.

Quoi qu’il en soit, cet exode forcé lui a assuré une sauvegarde exceptionnelle : cette statue a pu traverser plus de deux siècles grâce à la complicité de ses différents hébergeurs. Nous leur adressons toute notre reconnaissance et nos plus vifs remerciements pour l’avoir ainsi laissée parvenir jusqu’à nous, ce qui nous permet de vous la faire découvrir.

Pour Patrimoine Piraillon, Hubert Sage, avril 2021